Entretien de William Thay et Emeric Guisset pour Atlantico : « Mid Terms : la fin de l’ère Trump ? »

Les élections de mi-mandat qui se tenaient ce mardi aux Etats-Unis n’ont pas apporté la vague rouge annoncée. Les victoires du camp républicain sont moins nombreuses que prévu.

Les résultats doivent encore être solidifiés mais quelle est la tendance qui se dégage ? Avec quelle ampleur ?

Nous avions dans notre études évoqué 3 scenarii possibles pour ces midterms :

– Celui où les Républicains remporte la Chambre des Représentants mais le match au Sénat est très serré et peut se jouer lors d’une élection spéciale en Géorgie le 6 Décembre ;

-Celui où les Républicains remporte la Chambre des Représentants et le Sénat

-Celui d’une « Red Wave » où des fiefs Démocrates basculent en faveurs des Républicains à la fois à la Chambre et au Sénat.

C’est finalement l’hypothèse 1 qui semble se dégager à ce stade, même si des incertitudes persistent sur certains états et à la chambre des représentants. Les démocrates ont mieux résisté que ce qui était prévu ces derniers jours et peuvent s’offrir une chance de conserver le contrôle du Sénat soit avec les prochains décomptent où lors d’une élection spéciale en Géorgie.

Ce scénario reposait sur des hypothèses qui se sont confirmées : 

-L’électorat démocrate semble s’être davantage mobilisé que ce qui était indiqué par les sondages ;

-L’électorat a soutenu une victoire républicaine mais sans les sortir de la zone de ballotages ;

-La politique de Joe Biden est rejetée majoritairement par les Américains mais pas par l’électorat démocrate qui continue de la soutenir.

Comment interpréter ces résultats ? 

Ces résultats traduisent une forte variabilité des thèmes de campagnes ces dernières semaines. On peut a postériori identifier 4 temps de la campagne : 

-Avant le 24 juin : la prédominance du sentiment anti-biden sur lequel les Républicains parviennent à surfer ;

-A partir du 24 juin : l’émergence de la question du droit à l’avortement suite à la décision de la Cour Suprême de mettre fin au droit constitutionnel à l’avortement en revenant sur l’arrêt Rod vs Wade. Les Démocrates utilisent ce thème de campagne clivant pour mettre en les Républicains en minorité dans l’opinion. Durant cette période une augmentation des inscriptions sur les listes électorales a également pu être enregistrée ;

-Depuis septembre : le retour des thèmes économiques en raison de l’inflation a eu pour effet de relancer les Républicains remporter ces midterms ;

Le jour de l’élection nous afin finalement assisté à une remontée de la question du droit à l’avortement dans les motifs choix du vote (de 4e à la seconde position)

Les démocrates ont donc pu bénéficier du retour d’un sujet favorable pour eux le jour du vote mais aussi pu utiliser la flexibilité du vote par correspondance pour faire voter aux moments où ils avaient le vent en poupe.

Enfin, ces résultats mettent en évidence un phénomène de prime au sortant. Un exemple marquant est celui du Wisconsin qui a revoté pour ses Gouverneur et Sénateur sortant alors même qu’ils sont Démocrates et Républicains. Nous pouvons alors dresser une similitude avec le phénomène de gel démocratique observé en France depuis les Municipales de 2020 et confirmé lors des Régionales de 2022. Le fait que nous soyons actuellement en état de crise conduit les électeurs non plus à faire un choix seulement guidé par la question du positionnement idéologique, mais à favoriser l’expérience des candidats sortants.

Y-a-t-il des surprises ? Que ce soit des résultats dans certaines localités ou dans l’ampleur de certains scores ?

La grande surprise c’est finalement que les sondages avaient raison. Les états annoncés comme très serrés (Géorgie et Pennsylvanie notamment) se sont effectivement révélés comme très compétitifs, et de même nous ne constatons pas de surprise avec la bascule de bastions dans des camps adverses.

Autrement, deux points particuliers peuvent attirer notre attention avec des scores plus élevés que la moyenne et les prédictions : l’élection des Gouverneurs de Pennsylvanie et de Floride. Ces résultats d’une ampleur inédites, près de 13 points d’avance pour Josh Shapiro en Pennsylvanie et plus de 19 points d’avance pour Ron DeSantis en Floride, indique une supériorité qualitative de ses candidats par rapport à leurs concurrents. Ce n’est certainement pas non plus un hasard si ces résultats hors norme ont lieux l’État d’origine et Joe Biden et l’État où réside Donald Trump. Finalement, ces derniers sont parvenus à mobiliser leur base afin d’être fort dans leurs bastions.

Qu’est-ce que ces résultats laissent entrevoir pour la suite ?

La première conséquence de ce scrutin est que Joe Biden devrait avoir la capacité de se représenter en 2024 malgré son âge et ses défauts s’il le souhaite. En effet, malgré ses raisons qui le conduisent à être à moins de 40 % de popularité dans l’opinion, il a encore fait la démonstration qu’il était dans le camp républicain le meilleur barrage à Donald Trump. Il parvient en effet à séduire une partie des classes ouvrières blanches et à couper ainsi Donald Trump de ce qui avait fait son succès en 2016 : la Rust Belt. 

 Alors que les Démocrates ont pu se rassurer électoralement, les Républicains risquent à l’inverse de voir s’ouvrir une mini crise. L’absence d’une large victoire des Républicains ne permet pas à Donald Trump de s’imposer comme candidat incontestable pour 2024. Il pourrait se faire concurrencer par le Gouverneur de la Floride Ron DeSentis. Mais si Ron DeSentis a réalisé un très bon score en Floride, cela en fait-il un bon candidat à la présidentielle ? Possède-t-il la capacité d’aller chercher les électeurs de la Rust Belt avec son profil de Républicain du sud ?

De son côté, Donald Trump a quant-à-lui déjà démontré sa capacité à gagner l’élection présidentielle et à faire la synthèse entre l’électorat traditionnel des Républicains de la « SunBelt » et l’électorat ouvrier de la « Rust Belt ». A l’issue de ces midterms, les républicains doit donc faire face à davantage de doute que de certitude.

William Thay, président du Millénaire, think-tank gaulliste spécialisé en politiques publiques. 

Emeric Guisset, Secrétaire général adjoint du Millénaire

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Crédit Photo : Donald Trump, par Gage Skidmore via Flickr sous licence CC BY-SA 2.0

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