Réélu ce dimanche avec 59% des voix, Emmanuel Macron doit désormais penser à la constitution de son gouvernement. Les résultats du premier tour ont mis en lumière la présence de trois grands blocs électoraux, trois grandes sensibilités qui traversent le pays et auxquels le Président de la République peut vouloir envoyer un message par le choix de son premier ministre. Réélu par défaut face à la candidate du Rassemblement national, le choix du premier ministre doit adoucir une rentrée sociale qui prévoie déjà d’être mouvementé et offrir au Président de la République davantage de capital politique.
Préparer la succession
En ayant réussi l’exploit historique d’être réélu Président de la République sans avoir connu de cohabitation, Emmanuel Macron pourrait faire le choix de gouverner seul. La nomination du Premier ministre aurait alors deux enjeux principaux. D’abord, elle viendrait conforter la ligne politique sociale-libérale du Président de la République, en cohérence avec le fait qu’il soit arrivé en tête du premier tour. Puis, elle permettrait à Emmanuel Macron de préparer sa succession. Alors qu’Édouard Philippe est pour l’instant identifié par les électeurs comme le successeur d’Emmanuel Macron, le Président de la République pourrait par le choix d’un Premier Ministre proche de lui retirer à Édouard Philippe l’étiquette de successeur. Dans ce scénario, le profil de Julien Denormandie actuel Ministre de l’Agriculture et historique de la macronie se détache.
La principale limite de ce scénario est qu’il ne prendrait pas en compte les enseignements du premier quinquennat et la fracturation du paysage politique au premier tour. En effet, alors que l’un des principaux reproches fait à Emmanuel Macron est d’avoir gouverné seul et de façon Jupitérienne, un tel choix de Premier Ministre ne serait pas le signe de concertation supplémentaire avec les autres courants de pensées.
Incarner le tournant social-écologiste du second mandat
Pour l’emporter au second tour, Emmanuel Macron a cherché à mobiliser en sa faveur les électeurs du premier tour de Jean-Luc Mélenchon. Il a ainsi envoyé des signaux forts à la fois sur le volet social, mais surtout sur la question écologique. Pour cela il a annoncé la présence de ministres de la planification écologique et que l’une des missions principales de son premier ministre serait la conduite de la transformation de l’économie en faveur du climat. En réponse à cette équation électorale du second tour, Emmanuel Macron pourrait choisir de gouverner à gauche en adoptant un tournant social-écologiste. Dans ce scénario, il pourrait ouvrir les portes de Matignon à des personnalités de son gouvernement issues de la gauche comme Élisabeth Borne ou Olivier Dussopt, voire plus à gauche pour démobiliser l’électorat insoumis aux législatives avec un profil comme Arnaud Montebourg.
Ce scénario en forme de remerciement aux électeurs de gauche qui lui ont permis d’être réélu, présente une limite très importante. En effet, il conduirait Emmanuel Macron à être encore davantage en décalage avec le pays. Alors que le corps électoral s’est droitisé durant le dernier quinquennat, Emmanuel Macron fléchirait au contraire vers la gauche, à contrecourant de l’évolution du pays. Ceci pourrait conduire le Président de la République à réduire son socle de soutien alors même que les oppositions sont déjà nombreuses.
Continuer à asphyxier la droite
Alors que le score de Marine Le Pen au second tour a progressé de 8 points en cinq ans, Emmanuel Macron pourrait suivre la tendance d’une droitisation de l’électorat. Il continuerait dans ce cas sa stratégie débuté en 2017 d’asphyxie de la droite républicaine, pour incarner la droite moderne et capter le vote de la droite traditionnelle. Il s’agit dans ce scénario pour Emmanuel Macron de parvenir à donner le coup de grâce au parti LesRépublicains qui n’a pas franchi le socle des 5% au premier tour. Pour cela, il pourrait choisir de nommer à Matignon d’ancienne personnalité de cette famille politique comme Christine Lagarde, actuelle Présidente de la Banque Centrale Européenne, ou Nathalie Kosciusko-Morizet ancienne Ministre de l’Écologie sous Nicolas Sarkozy.
Si ce scénario semble apparaitre comme en contradiction avec les promesses électorales de l’entre-deux-tour, il pourrait être le plus intéressant en vue des élections législatives. En effet, alors que les électeurs populaires ont tendances à moins se mobiliser lors des élections législatives, Emmanuel Macron consoliderait ici son socle de retraité. Grandement aidé pour sa réélection par les électeurs de plus de 65 ans, plutôt d’une sensibilité de droite, ce choix de Premier Ministre permettrait au Président de la République de s’assurer les voix d’un électorat surreprésenté et qui se surmobilise.
Finalement, à l’aube de son second mandat Emmanuel Macron doit réussir à travers la nomination de son Premier Ministre à s’offrir davantage de capital politique tout en préparant aussi sa succession. Réélu largement mais par défaut, près d’un électeur sur deux d’Emmanuel Macron a voté pour faire barrage à Marine Le Pen, le Président de la République possède un soutien limité à son projet et pourrait rencontrer de grandes difficultés à gouverner.
Emeric Guisset, Secrétaire général adjoint du Millénaire, think-tank gaulliste spécialisé en politiques publiques
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Crédit Photo: Matignon par Guilhem Vellut sous licence CC BY 2.0, via Wikimedia Commons
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