« Avec le vote mettant fin à la vente de voitures non zéro émission en 2035 nous prenons une décision historique qui nous mène vers une nouvelle ère, celle de la neutralité climat. C’est une victoire majeure ! »[1] C’est ainsi que l’eurodéputé Pascal Canfin, Président de la Commission Environnement du Parlement Européen, salua le 8 juin 2022, la position du Parlement Européen relatif à la régulation des émissions de dioxyde de carbone (CO2) des voitures et camionnettes, en amont des négociations avec les États membres en vue d’entériner un accord en la matière à l’échelle de l’Union européenne.
Ayant pour objet de réduire à néant les émissions des automobiles neuves à l’horizon 2035, cette proposition devait enclencher le parcours institutionnel signant la fin de la vente comme de la production de véhicules thermiques neufs, qu’ils soient essence, diesel ou hybride, devant conduire à une interdiction générale dès 2050. Politique à court et moyen termes, cette disparition programmée s’inscrit dans le paquet « Ajustement à l’objectif 55 », présenté par la Commission européenne le 14 juillet 2021 ayant pour finalité la réduction de la zone couverte par l’Union européenne de 55% de ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030.
Réalisant l’exégèse du règlement relatif aux réductions annuelles contraignantes des émissions à gaz à effet de serre par les États membres de 2021 à 2030 du 30 mai 2018[2], les Conseils européen et de l’Union européenne justifiaient cette démarche sur la base du constat que « les voitures et les camionnettes représentent 15 % du total des émissions de dioxyde de carbone de l’UE […] » justifiant que « le règlement [introduise] des objectifs de réduction progressive des émissions, à l’échelle de l’UE, pour les voitures et les camionnettes à l’horizon 2030 et au-delà, y compris un objectif de réduction de 100 % à l’horizon 2035 pour les voitures et camionnettes neuves »[3].
Confirmant cette démarche ambitieuse, le Parlement européen vota de manière définitive ces objectifs le 14 février 2023. Une décision qui fut néanmoins tempérée par une nouvelle position présentée par l’Allemagne, ayant obtenu des aménagements spécifiques autorisant, après 2035, le recours à des carburants synthétiques pour les véhicules thermiques, jusqu’à leur disparition définitive, la durée de vie d’un véhicule thermique étant estimée à quinze ans. Cette réglementation, présentée comme une révolution écologique, trouve ses racines au sein de l’Accord de Paris de 2016 et son objectif général de maintenir l’élévation de la température de la planète en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels. Néanmoins, cela a des implications économiques et sociales tout en en dégageant les conséquences au titre de la souveraineté industrielle de la France tout comme des autres États membres de l’Union européenne mais aussi stratégiques et diplomatiques à l’échelle mondiale.
Seulement, il est suicidaire de se fixer de telles contraintes réglementaires sans avoir les capacités de les atteindre. La compétition mondiale a ardemment repris depuis la crise sanitaire, notamment sur les voitures électriques. Cela s’illustre par deux dynamiques : la politique de Joe Biden (plan Build Back Better + IRA) montre que le virage protectionniste de Donald Trump n’est pas une parenthèse, mais une nouvelle donne commerciale. Face à cela, une seconde dynamique s’observe. La Chine reporte une partie de son plan de développement de la voiture électrique, à savoir l’abandon des subventions à l’achat et de la protection des constructeurs automobiles. En effet, Xi Jinping a maintenu son dispositif global de soutien aux voitures électriques car il suppose que la guerre commerciale n’est pas encore gagnée face aux Etats-Unis. Ainsi, entre l’établissement du prochain plan quinquennal de Xi Jinping et le prochain mandat présidentiel américain, il s’ouvre 5 années d’ici 2029, où la compétition sur la voiture électrique sera acharnée. L’Europe et la France doivent adopter une politique cohérente pour ne pas être marginalisées. Cela suppose de définir plusieurs objectifs : protéger notre industrie automobile (1), soutenir la relocalisation et la structuration d’une filière de l’automobile verte en Europe (2), promouvoir une nouvelle mobilité accessible aux classes moyennes et aux classes populaires (3) et enfin, gagner la bataille de l’innovation et du progrès technologique (4).
Par Clément Perrin, directeur des Etudes du Millénaire et Romain Boulanger, analyste au Millénaire
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Crédit photo : Matti Blume, via Wikimedia Commons sous license CC BY-SA 4.0.
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