L’analyse de la politique européenne de Macron sur les travailleurs détachés

Synthèse : L’accord de révision sur les travailleurs détachés reprend une grande partie des propositions formulées par la Commission européenne de juin 2016 (égalité de salaire, renforcement de la coopération européenne contre la fraude) en durcissant les conditions du travail détaché, toutefois cet accord, s’il est ratifié et non amendé par le Parlement européen, ne sera applicable qu’en 2022. Le transport routier a été sacrifié par le chef de l’État qui n’a de plus pas réussi à aligner les cotisations sociales sur le pays d’accueil du travailleur détaché.

À l’heure actuelle, quelques éléments sur le travail détaché :
– Les conditions de travail détaché sont définies par la directive de 19961
– Après l’Allemagne, la France est l’un des pays les plus concernés par le travail détaché au sein de l’UE. Plus de 285 000 salariés y ont été déclarés à ce titre en 2015 (+ 25 % par rapport à 2014), selon le ministère du travail. Ils venaient principalement de Pologne (48 800 salariés), du Portugal (44 400), d’Espagne (35 200) et de Roumanie (30 600). La France se classe aussi au troisième rang des pays européens qui détachent le plus de travailleurs à l’étranger. Selon un document de la CNLTI daté de 2015, 200 000 Français travaillent ponctuellement dans d’autres Etats de l’Union.
– En France, le secteur de la construction regroupe à lui seul 39,6% du nombre total de détachements, suivi du service aux entreprises (16,5%) de l’industrie manufacturière (16,3%), des services personnels (14,6 %) et des autres services (6,8%) selon la Commission européenne en 2015.

L’accord vise à durcir les conditions de travail détaché en rapprochant les rémunérations et en limitant la durée de détachement :
– Maximum douze mois de travail détaché (possibilité de six mois supplémentaires à la demande de l’entreprise), cette disposition figurait déjà dans la proposition de la Commission de juin 2016. Il convient de souligner que ce point est mineur car la durée moyenne du détachement en Europe est de moins de 4 mois (98 jours), avec en moyenne 33 jours en France selon la Commission européenne.
– L’accord garantit une égalité de rémunération pour les travailleurs détachés par rapport à leurs collègues du pays d’accueil, alors que la directive de 1996 ne garantissait qu’aux travailleurs le salaire minimum. Cette égalité de rémunération comprend toutes les règles applicables aux locaux : prime de pénibilité, d’ancienneté, treizième mois etc.
– L’obligation pour les candidats au détachement d’avoir été affiliés 3 mois minimum à la sécurité sociale de leur pays. La mesure est censée décourager les sociétés « boîtes aux lettres », qui n’ont pas d’activité réelle dans le pays d’envoi et existent uniquement pour fournir de la main d’oeuvre détachée.

L’accord sur les travailleurs détachés ne va pas assez loin :
– Les cotisations sociales restent payées dans le pays d’origine du travailleur détaché
– La directive ne s’applique pas au secteur des transports, les pays de l’Est soutenus par l’Espagne et le Portugal ont obtenu qu’il soit prévu de continuer d’appliquer l’ancienne directive du travail détaché de 1996 jusqu’à que soit discuté le « paquet mobilité», un texte européen spécifiquement consacré aux transports. À titre d’illustration, la France détenait 50% du marché européen du transport routier en 1999, ce chiffre est tombé à 10% en 2009.
– L’accord n’est applicable à partir de 2022,
– La directive doit encore être adoptée par le Parlement européen qui pourra
l’amender (eurodéputés d’Europe de l’Est)
– L’accord réduit la durée du flux mais ne prévoit aucune limitation du stock potentiel de travailleurs détachés. Autrement dit, il est probable que cet accord aboutisse à un turnover plus élevé de travailleurs détachés, sans aucun effet macroéconomique.

Propositions :
– Les travailleurs détachés doivent payer des cotisations sociales dans le pays d’accueil de plus, ces cotisations sociales doivent être équivalentes à celle du pays d’accueil
– Clause Molière, imposer l’utilisation de la langue française dans les chantiers
– Lutte contre les fraudes principalement sur le contrôle du temps passé en
détachement et les conditions sociales de ces travailleurs détachés, à titre d’illustration, en 2015-2016, les inspections du travail ont doublé pour atteindre 1500 inspections alors qu’il y a 200 000 travailleurs détachés en France
– Au moins s’agissant des marchés publics, préférer les chantiers d’insertion et autres dispositifs sociaux d’accompagnement dans l’emploi au travail détaché, par des mécanismes de régulation (% max de travailleurs détachés par exemple)

William Thay 

Président du Millénaire

William.Thay@lemillenaire.org

@ThayWilliam

 

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Crédit photo : Emmanuel Macron par European Parliament sous licence CC BY 2.0

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