Troisième homme malheureux de l’élection présidentielle, Jean-Luc Mélenchon est parvenu à transformer les élections législatives en une confrontation avec le Président de la République. Porté par une union de la gauche historique, priver Emmanuel Macron de la majorité absolue comme Jean-Luc Mélenchon le souhaite reste encore peu probable. Alors qu’il sait que ses chances d’imposer une cohabitation à Emmanuel Macron sont très faibles, quel est le véritable objectif du leader de la France insoumise ?
L’union de l’espoir
Les résultats du premier tour de la présidentielle ont marqué le retour d’un bloc de gauche important et dont les électeurs étaient la clé de l’issue du second tour. Absent du second tour, le rôle d’arbitre des électeurs mélenchonniste sur le résultat de l’élection présidentielle a offert un espace médiatique à ce courant de pensée. En imposant les thèmes de l’entre-deux tours, l’espoir d’une troisième voie au-delà de l’opposition stérile entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen est né. En portant seulement Jean-Luc Mélenchon au-dessus du seuil de 5% des suffrages, les électeurs ont forcé une recomposition politique de la gauche.
NUPES, l’union de la gauche doit transformer cet espoir en succès électoraux. Elle est la première étape de la recomposition de la gauche, pour de nouveau lui permettre de gagner des élections. En pratique, un sondage OpinionWay pour LesÉchos montre que NUPES fait jeu égale avec le RN en intention de vote (23%) et s’imposerait comme seconde force politique à l’Assemblée nationale en nombre de siège. La gauche unie obtiendrait entre 135 et 165 députés, loin devant LR (50-70 députés) et le RN (20-40 députés).
Mélenchon – Le Pen : le match de l’opposition à Emmanuel Macron
Actuellement loin de pouvoir remporter les élections législatives, c’est une lutte pour incarner l’opposition à Emmanuel Macron durant ce quinquennat qui se joue entre Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon. Dans cette confrontation, Marine Le Pen est pénalisée par un second débat perdu face au Président de la République. Si le débat d’entre deux tours de 2017 a durablement touché la crédibilité de Marine Le Pen, celui de 2022 pourrait la disqualifier du rôle de principale opposante. En portant des attaques moins virulentes à l’encontre d’Emmanuel Macron, elle pourrait ne plus apparaitre comme le principal réceptacle de l’anti-macronisme.
Par ailleurs, alors que l’union de la gauche bénéficie d’une certaine dynamique, le RN quant-à-lui est pénalisé par un scrutin structurellement défavorable. D’une part, la persistance du front républicain limite les reports de voix au second tour et impose au RN d’obtenir des scores proches des 50% dès le premier tour pour espérer l’emporter. D’autre part, l’abstention plus forte aux législatives qu’aux présidentielles est inégalement répartie. Les catégories populaires, plus favorables à Marine Le Pen, ont tendances à s’abstenir davantage que les autres catégories socio-professionnelles. Plus dépendante que Jean-Luc Mélenchon de cet électorat, Marine Le Pen risque de perdre son duel face à LFI à l’Assemblée nationale.
La gauche prise en otage
Finalement, la stratégie de Jean-Luc Mélenchon est de devenir le principal opposant à Emmanuel Macron pour asphyxier les autres forces politiques de gauche. En dérobant à Marine Le Pen le rôle d’opposant à Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon va pouvoir prendre en otage la gauche. Durant le précédent quinquennat, le clivage gouvernement / opposition était incarné par Emmanuel Macron et Marine Le Pen, il permettait de faire cohabiter au sein des parties de gauche de gouvernement à la fois des lignes très critiques à l’égard du gouvernement mais aussi des lignes plus compatibles. Désormais, en transformant ce clivage gouvernement / opposition en un duel Emmanuel Macron / Jean-Luc Mélenchon, la cohabitation des différentes lignes politiques au sein d’un même parti devient impossible.
Ce renversement du clivage, accentué par la NUPES, doit conduire pour Jean-Luc Mélenchon à une bascule définitive des cadres sociaux-démocrates du côté d’Emmanuel Macron. Grâce à ce coup politique, Jean-Luc Mélenchon devrait parvenir à se situer, non plus comme auparavant en marge de la gauche, mais au barycentre électoral et idéologique du nouveau socle de gauche. En effet, en regroupant au sein de la NUPES des partis traditionnellement considérés comme plus à droite que LFI tel que le PS, mais aussi plus à gauche avec le PCF, la France insoumise sera la force centrale de cette union. Désormais au cœur de la gauche, Jean-Luc Mélenchon devient un élément incontournable, voire irremplaçable pour 2027.
Avec la NUPES, Jean-Luc Mélenchon ne se prépare pas à être Premier Ministre mais à être de nouveau candidat en 2027. Bénéficiant des échecs successifs de Marine Le Pen, il essaye de se doter dès aujourd’hui des éléments qui lui ont manqué pour atteindre le second tour : la posture de principal opposant au macronisme et l’absence de division des voix à gauche.
Par Emeric Guisset SGA-LeMillénaire
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Crédit photo : Pierre-Selim sous licence CC BY-SA 2.0, via Flickr
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