William Thay pour LesÉchos : « Menons la guerre aux déficits ! »

Depuis les deux chocs pétroliers de 1973 et 1979, nous avons augmenté le poids de notre dette de façon continue pour répondre aux crises sans pour autant profiter des périodes de croissance pour la réduire, selon William Thay. Il faut désormais mener une guerre aux déficits en instaurant une règle d’or budgétaire.

Alors que nous sommes encore en train d’éprouver les effets des crises sanitaires, économiques et internationales avec le retour du tragique sur le continent européen , une nouvelle menace nous fait face. En effet, une remontée des taux en réponse à l’inflation va surenchérir le coût de la dette ce qui mettra à mal nos finances publiques déjà exsangues. Pour éviter la prochaine crise, nous devons mener une guerre aux déficits !

L’importante inflation va nécessairement conduire à un changement de politique de la part de la Banque centrale européenne (BCE). Nous vivons avec une politique monétaire accommodante depuis le ‘quoiqu’il en coûte’ de Mario Draghi en juillet 2012, avec des taux directeurs bas et une politique de quantitative easing. Seulement, cette politique monétaire n’était possible que parce qu’elle était en accord avec le mandat de la BCE de viser une inflation de 2 %. Un taux d’inflation annuel de 6,2 % dans l’Union européenne (5,1 % en France) appelle nécessairement des réponses de la BCE donc implicitement une remontée des taux directeurs.

Instabilité de la zone euro

Cette remontée des taux va augmenter le coût de la dette pour mettre à mal nos finances publiques déjà exsangues et menacer notre stabilité financière. Les intérêts que nous payons sur la dette (la charge de la dette) représentaient 37 milliards d’euros en 2021 et vont représenter plus de 8 % du budget de l’Etat en 2022 soit plus que le budget du ministère de l’Intérieur.

De plus, cette augmentation du coût de la charge de la dette peut provoquer une instabilité de la zone euro avec plusieurs pays européens en difficulté comme lors de la crise des dettes souveraines. Enfin, ces différents éléments pourraient freiner une croissance déjà impactée par la crise sanitaire et la guerre en Ukraine, ce qui limiterait les recettes fiscales pour faire face à cette augmentation des coûts de la dette.

Fardeau de plus en plus lourd

Depuis les deux chocs pétroliers de 1973 et 1979, nous avons augmenté le poids de notre dette de façon continue pour répondre aux crises sans pour autant profiter des périodes de croissance pour la réduire. Ainsi, chaque prétexte était bon pour éviter de s’attaquer à ce mal français qui nous conduit à léguer un fardeau de plus en plus lourd à nos enfants. Cela accroît à chaque fois l’ampleur de la thérapie de choc pour y répondre et conduit les Gouvernements à repousser sa mise en place.

De plus, les campagnes électorales, dont la précédente, conduisent davantage à promettre de nouvelles dépenses pour convaincre des électeurs plutôt qu’à une gestion sérieuse de long terme.

Seulement cette gestion à court terme n’a pas permis de répondre ni au malheur français ni de permettre des succès électoraux à long terme. En effet sur le plan électoral, depuis 1979, la France n’a connu qu’une seule reconduction d’une majorité parlementaire en 2007 et une seule réélection d’un président de la République sans cohabitation en 2022.

Nouvelle règle d’or budgétaire

Sur le plan économique, alors que nous avions le même PIB par habitant que l’Allemagne dans les années 70, l’écart s’est progressivement accentué. De même, le taux de pauvreté est de 16,1 % en Allemagne contre 14,1 % en France, cet écart ne justifie pas les déficits chroniques et l’accumulation de la dette.

Ce contexte doit conduire la France à changer de paradigme pour mener une guerre aux déficits. Pour cela, nous devons changer de cadre afin d’adopter une gestion raisonnable, avec une nouvelle règle d’or budgétaire avec une réforme constitutionnelle. Cette règle d’or empêcherait tout déficit structurel sur les dépenses de fonctionnement. Ainsi, cette règle permettrait d’avoir que l’Etat conserve des marges de manoeuvre à la fois en temps de crise (déficit conjoncturel) et pour investir avec les dépenses d’avenir.

Baisse des dépenses publiques

La mise en place de ce nouveau cadre budgétaire conduirait les différents gouvernements à adopter une gestion saine des finances publiques françaises. De plus, les hausses d’impôts sont de moins en moins acceptées, ce qui conduirait les Gouvernements à réfléchir à la délicate question de la baisse des dépenses publiques. L’adoption de ce nouveau paradigme doit faire évoluer la mentalité des décideurs publics aussi bien politique qu’administratif pour lutter contre les déficits français.

Depuis les deux chocs pétroliers de 1973 et 1979, la France vit le même phénomène. Une politique keynésienne reposant sur l’augmentation des dépenses publiques pour répondre à la crise, puis un manque de volonté pour réduire les dépenses en temps de croissance ce qui fait augmenter notre dette publique.

La crise sanitaire devait conduire à bâtir le monde d’après avec une nouvelle vision et une nouvelle gouvernance pour le pays. Pourquoi ne pas commencer par le plus dur pour démontrer que nous avons vraiment appris de nos erreurs afin de léguer un pays dans un meilleur état que nous l’avons trouvé ?

Par William Thay, Président du Millénaire

Pour permettre à la France de reprendre le contrôle de sa dette ou nous rejoindre pour rendre sa grandeur à la France

Crédit photo : Zairon sous licence CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons

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